Crypto Treasury Companies en bourse : le nouvel Eldorado ?

Thomas Hornus, associé chez Euroland Corporate
9 septembre 2025

Depuis quelques mois, un nouveau type d’acteur a fait son apparition sur les marchés actions français : les Crypto Treasury Companies, ou CTC. 

Si l’expression n’est pas encore consacrée par la doctrine financière, elle a déjà trouvé sa place dans les communiqués de presse, les forums boursiers, et même dans les ambitions déclarées de certaines sociétés cotées sur Euronext Growth. À l’instar de « SPAC » ou de « green tech », l’acronyme s’installe, emportant avec lui son lot d’engouement, d’incompréhensions… et de risques.

C’est quoi une CTC ?

Le principe d’une CTC est simple : il ne s’agit pas d’une entreprise dont l’activité opérationnelle reposerait sur la blockchain ou les crypto-actifs. Il s’agit d’une société cotée qui fait le choix stratégique – et public – de convertir une part plus ou moins significative de sa trésorerie en cryptomonnaies, le plus souvent du Bitcoin ou de l’Ethereum.

Cette stratégie, présentée comme une gestion patrimoniale moderne ou comme une conviction de long terme, devient alors un axe de communication financière. Et, très souvent, un catalyseur de performance boursière à court terme. Ces compagnies accumulent des cryptos via des levées de fonds, des émissions obligataires ou des cash flows opérationnels, en visant une diversification contre l’inflation et des rendements potentiels élevés, tout en offrant aux investisseurs une exposition indirecte aux actifs numériques via des actions classiques.

L’exemple le plus emblématique en Europe est celui de Capital B, société cotée sur Euronext Growth Paris. Depuis le printemps 2025, cette entreprise a fait évoluer son positionnement pour se présenter comme la première « Bitcoin Treasury Company européenne ». Derrière cette appellation : une stratégie d’accumulation progressive de Bitcoins via des levées de fonds successives (placements privés, programme d’émission obligataire, etc.), adossée à une activité dans l’intelligence artificielle et les solutions digitales. Le titre a réagi rapidement : passant de 0,50 € à plus de 6 €, attirant des investisseurs séduits par l’exposition indirecte au Bitcoin dans un cadre réglementé.

Quelques semaines plus tard, c’est Entreparticuliers.com qui annonçait le lancement d’une nouvelle activité de gestion de trésorerie en Ethereum, tout en maintenant son cœur de métier dans les petites annonces immobilières. L’entreprise a investi 1 million d'euros en ETH en mai 2025, visant la tokenisation immobilière et la diversification. Là encore, le simple changement de cap stratégique, plus que les résultats opérationnels, a suscité l’attention des investisseurs. On pourrait multiplier les exemples récents, tant le modèle commence à essaimer sur la cote parisienne.

Une tendance de fond globale

Ce mouvement n’est pas propre à la France. Il s’inscrit dans une tendance internationale initiée il y a plusieurs années par l’Américain MicroStrategy, qui a fait le choix de convertir l’essentiel de sa trésorerie en Bitcoin. Aujourd’hui, la société détient plus de 200 000 bitcoins, pour une valeur de plus de 12 milliards de dollars, soit davantage que ses revenus annuels. En Bourse, sa valorisation suit étroitement l’évolution du cours du Bitcoin. D’autres sociétés américaines ont suivi ce modèle — de manière plus opportuniste — comme GameStop ou Trump Media, dont les valorisations ont, elles aussi, explosé à la faveur de stratégies crypto-narratives.

Dans un marché en quête de nouvelles histoires, les CTC arrivent à point nommé. Elles offrent une exposition aux cryptomonnaies sans exiger de l’investisseur final la détention d’un portefeuille crypto, d’un wallet sécurisé ou d’une connaissance fine des blockchains. Le tout dans un cadre réglementé, avec des instruments financiers classiques (actions, OC, BSA), facilement accessibles via un PEA ou un compte-titres ordinaire. Pour certains particuliers, c’est une porte d’entrée simple vers l’univers crypto. Pour les sociétés émettrices, c’est un levier de valorisation et d’attention immédiate.

Un actif aux risques exponentiels ?

Ce modèle n’est pas sans poser question. 

D’un point de vue financier d’abord : peut-on réellement justifier une levée de fonds destinée à acheter un actif hautement spéculatif, sans lien avec l’activité de l’entreprise ? La volatilité des cryptos, leur régime fiscal incertain, les risques de cybersécurité liés à leur détention, tout cela soulève des interrogations sérieuses sur la gouvernance, la responsabilité fiduciaire et la transparence de ces choix d’allocation.

D’un point de vue boursier ensuite : les CTC créent-elles de la valeur ou se contentent-elles d’en capter ? La frontière est ténue entre une stratégie patrimoniale audacieuse et un mécanisme de spéculation relayé par les plateformes de trading et les forums d’investisseurs. Le risque est réel de voir se multiplier des modèles fragiles, reposant davantage sur des effets d’annonce que sur une création de valeur durable.

Enfin, d’un point de vue macroéconomique, l’émergence des CTC témoigne d’un phénomène plus profond : celui de la financiarisation des narratifs. 

Sur Euronext comme ailleurs, il ne suffit plus d’avoir une activité rentable, il faut raconter une histoire qui capte l’attention. Crypto, IA, climat : les mots-clés sont désormais aussi puissants que les chiffres d’affaires. Dans un univers de faible liquidité, c’est parfois l’histoire qu’on vend… bien plus que le produit. Faut-il y voir une simple effet de mode spéculatif, comme il en existe régulièrement sur les marchés ? Peut-être. Mais ce serait aussi oublier que de telles tendances, dans l’histoire de la finance, sont souvent les laboratoires de ce qui deviendra ensuite la norme. A étudier de près donc…

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