Label Finance Europe : un outil suffisant pour réorienter l’épargne vers les PME européennes ?

Thomas Hornus, associé chez EuroLand Corporate
1 juillet 2025

En mars 2025, notre Question Corporate Remettre les marchés de capitaux au centre du financement des PME en France analysait le Manifeste pour un meilleur financement des entreprises par les marchés de capitaux, porté par un collectif d’acteurs de la Place de Paris, dont EuroLand Corporate.

Ce document soulignait l’urgence de mobiliser l’épargne européenne pour soutenir la croissance des entreprises, en particulier des PME et ETI, à travers des marchés de capitaux plus dynamiques et accessibles. Parmi les recommandations phares du Manifeste figurait la création d’un label européen visant à flécher l’épargne des ménages vers les entreprises du continent.

Aujourd’hui, cette proposition prend corps avec l’annonce, le 4 juin dernier du Label Finance Europe, une initiative intergouvernementale marquant une étape décisive pour renforcer la compétitivité et la souveraineté économique de l’Union européenne.

Une épargne européenne sous-exploitée

Les ménages européens détiennent 35 000 milliards d’euros d’épargne financière, mais seuls 11 000 milliards sont investis à long terme, selon le rapport Noyer (2024). Près de 50 % de cette épargne stagne sur des dépôts bancaires à faible rendement, et 20 % s’exportent hors d’Europe, souvent vers des titres étrangers.

Or, l’UE fait face à des besoins de financement massifs : 800 milliards d’euros par an d’ici 2030 pour la transition écologique, l’innovation numérique et la souveraineté industrielle.

Ce paradoxe fragilise nos entreprises, en particulier les PME et ETI, qui peinent à accéder aux capitaux nécessaires pour se développer. L’Europe, représentant environ 17,5 % du PIB mondial, ne pèse que 11 % de la capitalisation boursière globale, un écart révélateur d’un potentiel sous-exploité.

Le Label Finance Europe : un outil pragmatique

Ce Label ambitionne de réorienter cette épargne en « déshérence » vers les entreprises européennes. Ce n’est pas un nouveau produit financier, mais un repère pour les épargnants, particuliers comme institutionnels, souhaitant investir dans des actifs soutenant l’économie européenne.

Ses caractéristiques principales sont :

  • Allocation européenne : au moins 70 % des actifs investis dans l’Espace économique européen, avec une priorité aux actions pour renforcer les fonds propres.
  • Horizon long terme : une détention minimale de 5 ans pour aligner les investissements sur les besoins des entreprises.
  • Risque assumé : pas de garantie publique, l’investisseur supporte le risque de perte.
  • Fiscalité flexible : chaque État membre peut introduire des incitations fiscales.
  • Gouvernance décentralisée : le label est autodéclaré par les acteurs de marché (banques, assurances, gestionnaires), avec des contrôles nationaux pour garantir sa crédibilité.

Il s’inscrit dans une approche collaborative, impliquant la France, l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Portugal, le Luxembourg et l’Estonie. Il vise à tester des solutions innovantes avant un déploiement élargi à l’UE.

Une réponse aux recommandations du Manifeste

Le Manifeste appelait à un label favorisant l’investissement à long terme, une proposition que le Label Finance Europe concrétise. En orientant l’épargne vers les PME et ETI cotées, il renforce la liquidité des marchés actions, notamment sur Euronext Growth,70 % des entreprises opèrent dans la technologie, la santé ou l’industrie.

Ce label répond aussi à l’urgence de sensibiliser les investisseurs individuels : en France, seuls 10 % des ménages investissent directement en actions, contre 33 % au Royaume-Uni.

En complément, il s’articule avec des réformes comme le Listing Act européen ou la loi française Attractivité (juin 2024), qui simplifient l’accès à la Bourse pour les PME. Ces mesures pourraient dynamiser les introductions en bourse, où la France accuse un retard conséquent par rapport à l’Italie (147 IPO de PME-ETI entre 2020 et 2024) ou la Suède (161).

Des défis à surmonter

Le succès du label repose néanmoins sur plusieurs conditions. D’abord, sa crédibilité dépendra de la rigueur des contrôles nationaux pour éviter les dérives. Ensuite, la fragmentation fiscale entre États membres pourrait freiner une adoption harmonisée. Enfin, une éducation financière renforcée est cruciale pour surmonter la préférence des épargnants pour les placements sécurisés.

Le label devra aussi contrer la concentration des flux vers les grandes capitalisations, qui captent 81 % de la capitalisation d’Euronext Paris. Les PME, sous-valorisées depuis la crise COVID, souffrent d’une décote inédite, limitant leur accès au capital et leur rôle de consolidateurs sectoriels.

Une opportunité pour la Place de Paris

Avec près de 750 sociétés cotées, dont près de la moitié en régions, et un écosystème riche de 100 bureaux de recherche et 40 listing sponsors, la Place de Paris est idéalement positionnée pour tirer parti du Label Finance Europe. Les 180 milliards d’euros levés sur Euronext Paris ces trois dernières années, dont 19 milliards via des augmentations de capital, témoignent de sa capacité à financer l’économie réelle. Un Bonus IPO, comme proposé dans le Manifeste, pourrait encore amplifier cet effet en réduisant les coûts d’entrée en Bourse des PME.

Un catalyseur pour la souveraineté

Le Label Finance Europe n’est pas une solution miracle, mais un premier levier stratégique permettant de réconcilier l’épargne européenne avec les besoins des PME et ETI. En favorisant un investissement à long terme, il renforce la compétitivité et la souveraineté économique de l’UE.

EuroLand Corporate salue cette initiative et appelle à son déploiement rapide, accompagné d’une simplification réglementaire et d’une pédagogie accrue à l’attention des particuliers. La Place de Paris, locomotive financière européenne, est prête à porter cette ambition !

EuroLand Corporate, premier Listing Sponsor du marché Euronext Growth Paris, accompagne plus de 60 sociétés cotées, dont 37 en qualité de Listing Sponsor, dans leur stratégie de structuration et d’optimisation de leur communication financière.

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