En 2022, les entreprises du CAC 40 ont racheté pour un montant total de près de 24 milliards d'euros de leurs propres actions selon l’étude annuelle de Vernimmen Dividendes et rachats d'actions en 2022 au sein du CAC 40.
Les rachats d'actions propres sont une pratique courante des sociétés cotées en Bourse. Ces rachats peuvent se faire au travers d’une OPRA (cf. notre question corporate du 23 juin 2022 L’OPRA, une opportunité en période de marchés baissiers ?) ou d’un programme de rachat d’actions sur le marché.
Ces opérations peuvent répondre à plusieurs objectifs, notamment :
• offrir de la liquidité au titre ;
• soutenir le cours de l’action ;
• financer des acquisitions ;
• couvrir les titres de créance échangeables en actions ou les programmes d’actionnariat salarié.
Une pratique controversée
Certains observateurs critiquent les rachat d’actions au motif qu'elles sont contraires à l'intérêt des salariés. Les rachats d'actions permettent aux entreprises de redistribuer une partie de leurs bénéfices aux actionnaires qui céderaient leurs titres dans le cadre du rachat, excluant de facto les salariés non actionnaires de l’entreprise de cette distribution.
Les rachats d'actions sont également régulièrement critiqués pour leurs effets négatifs sur l'économie de la société qui en use. De telles opérations peuvent en effet conduire à un arbitrage au détriment de l'investissement des entreprises, car elles utilisent leurs liquidités pour racheter leurs propres actions plutôt que pour financer des projets de croissance.
Vers un durcissement de l’encadrement des rachats d'actions
Le gouvernement français a annoncé fin septembre dernier, à travers la voix de son ministre des Comptes publics, son intention d'encadrer plus strictement les rachats d'actions (voir à ce sujet l’article de Sabrina Sadgui Marché : Les rachats d'actions à nouveau dans le collimateur du gouvernement pour BFM Bourse).
Bien que rien n’ait été précisé à l’époque quant aux potentielles modalités de ce « tour de vis », différentes pistes de réflexions ont été évoquées. La première d’entre elles consistait à lier les rachats d'actions à des mécanismes de partage de la valeur, tels que l'intéressement ou la participation. Les entreprises réalisant des rachats d'actions et ayant les moyens de le faire devraient ainsi distribuer plus d'intéressement, de participation ou de prime défiscalisée à leur salarié.
C’est chose faite depuis le dépôt au projet de loi de finances pour 2024 d’un amendement qui obligera les entreprises de plus de 50 employés réalisant un rachat d’actions à mettre en place un versement exceptionnel rétablissant l’équilibre entre actionnaires et salariés.
Quels impacts potentiel sur les rachats d’actions par les entreprises cotées ?
Finalement, cette mesure de restauration de l’égalité entre les actionnaires et les salariés aura pour principale conséquence de renchérir le coût des rachats d’actions, puisque, en plus du rachat, il faudra verser cette « prime exceptionnelle ». Cela ne devrait pas poser de problème aux très grandes capitalisations boursières qui ont largement les moyens financiers et juridiques pour faire face à une telle dépense complémentaire voire l’éviter.
Il en va néanmoins bien différemment pour les petites sociétés cotées. Ces dernières, lorsqu’elles réalisent des achats de leur propres actions, ont très souvent pour objectif premier de donner de la liquidité à leur cours. Le surcoût lié au versement de la prime exceptionnelle pourrait donc être un frein à la mise en œuvre de rachats d’actions, ce qui impacterait la liquidité des petites capitalisations déjà généralement assez faible. Le plus grand risque pour ces entreprises de petites tailles, pour qui l’utilisation du rachat d’actions est vital, pourrait surtout consister à ce qu’elles doivent réduire d’autant leurs investissements de croissance.
Permettre une redistribution plus équitable des profits des entreprises entre actionnaires et salariés part d’une intention louable. Il aurait peut être été judicieux de réfléchir à l’impact sur l’attractivité et la compétitivité des petites entreprises françaises cotées par rapport à leur concurrents étrangers et de prévoir un seuil de mise en œuvre plus élevé.