L’IPO, vraie alternative de sortie pour le Private Equity ?

Thomas Hornus, associé d'EuroLand Corporate
10 juin 2025

En 2024, les fonds de Private Equity (PE) français détenaient un volume record d’actifs, dont près de la moitié de participations non sorties conservées depuis plus de quatre ans. 

Face à la nécessité de retourner du capital à leur investisseurs, les fonds de PE doivent aujourd’hui être ouverts à tous les moyens possibles pour rendre « liquides » leurs lignes les plus mûres. 

Et si l’introduction en Bourse, souvent perçue comme complexe ou incertaine, redevenait une option sérieuse ?

Un contexte de sortie sous pression

Historiquement, les fonds de PE ont privilégié les cessions industrielles (« trade sales ») ou les ventes dites secondaires — voire tertiaires ou quaternaires — à d’autres fonds. Mais ce schéma atteint aujourd’hui ses limites.

D’un côté, les industriels sont plus sélectifs, confrontés à un ralentissement conjoncturel et à un coût du capital plus élevé. De l’autre, le marché secondaire du PE devient de plus en plus encombré : des milliers de participations cherchent une porte de sortie au même moment, avec des critères de valorisation parfois divergents entre vendeurs et acheteurs.

Dans ce contexte, l’introduction en Bourse s’impose comme une voie alternative crédible — pour peu qu’elle soit bien exécutée.

Quelques réussites récentes

Après une année 2023 marquée par une quasi-absence d’IPO significatives en France, avec une seule introduction dépassant 20 millions d’euros de levée de fonds, 2024 a vu une reprise modeste mais encourageante. 

Euronext Paris a accueilli 14 nouvelles cotations, levant 703 millions d’euros, soit une hausse de 74% par rapport à 2023. Et dans ce petit rebond, les IPO « sponsorisées » par des fonds ont montré la voie.

Trois exemples récents et instructifs :

1. Exosens, participation de HLD qui s’est introduite en juin 2024 avec 180 millions d’euros de fonds levées et une cession par HLD de 170 millions d’euros ; 

2. Lighton, acteur européen de premier plan de l’intelligence artificielle générative, dont le capital était notamment détenu avant l’IPO à plus de 11% par un fonds d’investissement de Huawei Technologies et qui s’est introduite fin 2024 avec une levée de près de 12 millions d’euros ;

3. Planisware, soutenue par Ardian, qui a levé 278 millions d’euros en avril 2024 sur Euronext Paris, la plus importante introduction française depuis trois ans.

Cerise sur le gâteau, depuis leur IPO ces trois sociétés ont vu leur capitalisation boursière progresser respectivement de 117%, 70% et 53%. De quoi faire réfléchir les fonds encore réticents.

Avantages versus contraintes : un arbitrage qui se redessine

1. Les défis restent réels

La volatilité du marché - exacerbée par l’environnement macroéconomique et géopolitique - rend difficile le « market timing » et peut freiner le marché des IPO ;

La sélectivité des investisseurs,  notamment institutionnels, qui privilégient les sociétés rentables avec une gouvernance crédibl et peut limiter les candidats éligibles parmi les participations des fonds ;

Les coûts et la complexité : les frais d’IPO (juridiques, bancaires) et les exigences de gouvernance post-cotation peuvent être considérés comme dissuasifs, notamment pour les sociétés de taille intermédiaire.

2. Des atouts non négligeables 

Valorisation optimisée : les marchés boursiers permettent de capter des primes pour les entreprises à fort potentiel, notamment pour les sociétés technologiques ou innovantes qui peuvent espérer des multiples élevés. Planisware, a ainsi bénéficié d’une valorisation alignée sur celle attendue par les investisseurs institutionnels ;

Liquidité immédiate : les IPO éliminent la décote d’illiquidité des actifs privés, estimée entre 20% et 30%, augmentant la valeur pour les investisseurs. Elle permettent une liquidité immédiate sur la part introduite, avec la possibilité pour le fonds de céder graduellement via des cessions secondaires ;

Visibilité renforcée : une cotation sur Euronext Paris accroît la notoriété des entreprises, avec un effet de marque boursière qui peut aussi faciliter le recrutement, les partenariats ou l’accès à la dette.

Les clés pour une sortie en bourse réussie

Pour maximiser le succès d’une sortie au travers d’une IPO, les fonds PE doivent :

  • se préparer rigoureusement une “equity story” claire et une gouvernance robuste sont cruciales pour faire venir les investisseurs, notamment particuliers ;
  • définir un bon timing : être prêt le plus tôt possible afin de pouvoir saisir la première fenêtre de marché favorable est essentiel pour que l’opération soit un succès ;
  • penser la valorisation autrement : trop d’IPO sont des échecs ou stagnent du fait d’un prix d’introduction trop ambitieux, empêchant toute revalorisation immédiate. Le prix d’IPO doit être vu comme un point d’entrée incitatif, non comme un prix de sortie pour le fonds. La performance boursière post-IPO reste la meilleure des campagnes de cession progressive ;
  • penser IPO partielle plutôt que cession totale : céder une partie seulement du capital permet de tester le marché, de donner un signal fort tout en gardant un pied dans la suite de l’histoire, avec une prime potentielle sur les cessions ultérieures si le titre performe.

L’IPO redevient ainsi, dans un cycle plus complexe pour les sorties classiques, une véritable alternative stratégique.

À condition de changer d’état d’esprit : 

  • moins d’opportunisme, plus d’anticipation ;
  • moins de maximalisme sur la valorisation, plus de vision de moyen/long terme ;
  • moins de peur de la cotation, plus de confiance dans la capacité des marchés à reconnaître la qualité.

Bref, sortir par le haut… et par la Bourse.

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