L’IA générative devient un canal d’accès direct à l’information, aux produits… et aux revenus. Avec le lancement par OpenAI du shopping intégré dans ChatGPT et l’arrivée imminente de Google AI Overviews en France, une nouvelle phase s’ouvre : celle de la désintermédiation massive. Les plateformes d’IA ne redirigent plus, elles absorbent.
En effet l’inquiétude est palpable chez les éditeurs : près de 70 % du trafic vers les sites d’actualité provient de Google, en particulier via Discover. Or, les résumés générés par les IA répondent souvent sans inciter au clic. Pire : les études montrent que les chatbots se trompent régulièrement dans l’attribution des sources, minant la crédibilité et la monétisation des contenus.
Un acteur comme Le Monde, partenaire d’OpenAI, voit pour l’instant une hausse marginale du trafic, mais mise sur des taux de conversion à l’abonnement plus élevés. Ce modèle peut-il s’étendre ? Rien n’est moins sûr. L’équilibre économique des médias qui est déjà sous pression est en train de se fissurer.
Les groupes cotés comme New York Times ou Axel Springer génèrent une part significative de leur chiffre d’affaires via la publicité numérique (environ 17,5 % pour le NYT). Leur valorisation pourrait souffrir d’un affaiblissement du trafic organique. En Bourse, NYT affiche une performance en recul de plus de -8 % sur 6 mois, signe de la méfiance croissante du marché.
OpenAI pourrait également capter une partie des revenus publicitaires des géants du web. En effet l'entreprise a introduit une fonction shopping directe : ChatGPT proposera des produits issus du web, sans publicité, via un moteur d’indexation propriétaire. Une rupture avec les modèles d’Alphabet et d’Amazon, fondés sur le search sponsorisé.
Alphabet tire encore plus de 75 % de son chiffre d’affaires du search et de la publicité display. L’introduction d’AI Overviews pourrait partiellement cannibaliser ces revenus. Le titre est en retrait de près de -15 % depuis le début de l’année, les analystes restent divisés sur l’impact à moyen terme de l’IA générative sur le modèle économique de Google.
Côté e-commerce, les marketplaces indépendantes sont en première ligne. Shopify et Etsy, deux acteurs historiquement dépendants du référencement organique, pourraient voir leurs coûts d’acquisition évoluer brutalement. Shopify, dont 26 % du chiffre d'affaires provient des abonnements aux marchands, est moins directement exposé au bouleversement du trafic web par l'IA : ses revenus d'abonnement ne dépendent pas du volume de visiteurs, mais de la capacité des commerçants à maintenir leur activité. Toutefois, si les nouveaux parcours d’achat pilotés par l’IA réduisent la visibilité des petits marchands, Shopify pourrait à terme faire face à une hausse du churn sur sa base de clients. Etsy, plus vulnérable car directement lié au trafic grand public, a vu son cours baisser de plus de -33 % en un an, sous l’effet combiné de la pression concurrentielle et de la volatilité du trafic.
Les plateformes d’IA deviennent donc des "méta-distributeurs" de contenus et de produits. L’accès à l’utilisateur devient l’actif stratégique clé. Qui contrôle l’interface, contrôle la chaîne de valeur et qui capte la rente.
L’IA ne redistribue pas seulement le trafic mais elle réorganise le web autour de nouveaux points de contact, avec des implications directes sur les modèles économiques et les valorisations.