Refus de conformité : une nouvelle tendance dans les offres publiques ?

Thomas Hornus, associé d'EuroLand Corporate
29 avril 2025

L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) veille à la régularité et à l’équité des offres publiques (OPA / OPAS / OPR ou retraits obligatoires). Si la grande majorité de ces opérations sont déclarées conformes, l’AMF rejette parfois des offres, un événement rare mais marquant.

Rappel réglementaire : le Règlement Général de l’AMF (RGAMF) et les offres publiques

Le RGAMF encadre les offres publiques et impose à toute société (l’« initiateur ») lançant une offre publique sur une société cotée (la « cible ») de lui soumettre un projet d’offre afin qu’elle vérifie sa conformité avec les exigences légales et réglementaires en se basant sur plusieurs critères clés :

  • prix d’offre : Le prix d’achat proposé par l’initiateur doit refléter une valorisation équitable de la cible, généralement appuyée par un rapport d’expert indépendant qui utilise une méthode multicritères.
  • transparence : L’initiateur doit fournir des informations complètes sur les modalités, le financement et la stratégie de l’offre. Toute omission ou inexactitude significative peut entraîner une non-conformité.
  • protection des minoritaires : L’AMF veille à ce que les minoritaires soient traités équitablement, notamment dans les offres de retrait obligatoire et vérifie notamment que le prix de l’offre n’est pas sous-évalué par rapport à la valeur intrinsèque de la cible.

En cas de non-respect de ces critères, l’AMF peut déclarer l’offre non conforme, comme le prévoit l’article 231-10de son Règlement Général, sur la base d’une décision motivée.

Le cas Bolloré : un refus attendu par les minoritaires

En avril 2025, comme l’a relaté Les Echos, l’AMF a déclaré non conformes les offres publiques de Bolloré SE visant à racheter les minoritaires de Compagnie du Cambodge, Financière Moncey et Société Industrielle et Financière de l’Artois. Ces offres, pourtant déjà révisées une première fois en décembre 2024 avec des prix en numéraire relevés et des parités d’échange améliorées avec des actions Universal Music Group, ont été contestées par les actionnaires minoritaires qui estimaient que la valorisation, basée sur les cours de Bourse de Bolloré et de la Compagnie de l’Odet, sous-estimait fortement l’actif net comptable des holdings, en contradiction avec la jurisprudence de l’AMF depuis 2002.

Bien que les motivations précises de l’AMF ne soient pas encore publiques (elles devraient l’être prochainement), cette décision fait d’ores-et-déjà date car elle intervient dans une période où de nombreuses offres sont en cours et également contestées par les minoritaires.

Pourquoi les refus de conformité sont-ils si rares ?

Le processus d’examen de l’AMF, combiné à l’expertise des initiateurs et de leurs conseils, garantit que la plupart des offres publiques respectent les normes. Les refus surviennent ainsi généralement dans trois cas :

  1. erreurs de valorisation manifestes : l’AMF rejette les offres si la méthodologie de l’expert est défaillante ou omet des critères essentiels ;
  2. atteinte aux intérêts des minoritaires : L’AMF protège les actionnaires minoritaires, notamment dans les retraits obligatoires, où des prix trop bas attirent son attention ;
  3. irrégularités procédurales : Des omissions d’information ou des manquements aux règles procédurales du RGAMF peuvent entraîner un rejet.

Implications pour les acteurs du marché

Cette décision met en lumière l’engagement de l’AMF à garantir l’équité de toute offre, conformément à son Règlement Général, et impose notamment aux entreprises préparant une offre publique de :

  • choisir un expert indépendant rigoureux : La méthodologie de l’expert est cruciale. Les entreprises doivent s’assurer que toutes les métriques pertinentes, y compris l’ANC, sont prises en compte pour éviter un veto de l’AMF ;
  • anticiper les contestations : les minoritaires étant de plus en plus actifs et soucieux du respect de leurs droits, les initiateurs doivent proposer des prix alignés sur la juste valeur pour limiter les recours.

Pour les investisseurs, la décision de l’AMF témoigne d’un cadre réglementaire solide, protégeant les droits des minoritaires et encourageant une participation confiante aux offres publiques. Elle rappelle toutefois la nécessité d’étudier précisément les conditions des offres et les rapports d’experts.

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