Si 2022 n’a pas été une année de tout repos pour une majorité de petites capitalisations boursières françaises, le constat est bien plus positif pour un secteur en particulier, celui du bois énergie.
Pour rappel, le bois énergie est l’une des principales filières d’un secteur plus large, celui de la transition écologique, et regroupe quatre sociétés bien identifiées sur la cote française : Cogra, Eo2, Moulinvest et Poujoulat. Ces entreprises, qui transforment et exploitent le bois à des fins principalement énergétiques, notamment comme combustible primaire pour produire de la chaleur, ont connu un parcours boursier 2022 très satisfaisant.
En tête de file, nous retrouvons Poujoulat et Cogra, puis Eo2. La performance de Moulinvest est un peu moins significative, le cours ayant déjà progressé d’un multiple de 10x entre 2020 et fin 2021.
Un marché en effervescence
Depuis deux grosses années, une succession d’évènements économiques et géopolitiques majeurs (COVID, guerre en Ukraine, crise énergétique), combinée à la volonté du gouvernement d’accélérer la transition énergétique (interdiction des chaudières à fioul, mise en place de MaPrimerénov, CEE), ont déclenché un emballement sans précédent de la demande en bois énergie de la part des ménages et ont fortement dynamisé les valeurs du secteur. Issu de la biomasse, et considéré comme ayant un impact carbone bien moindre que la plupart des énergies fossiles traditionnelles, le bois dispose effectivement de nombreux atouts pour se faire une place de choix dans le mix énergétique français.
Dopées par les incitations mises en place par l’état, les ventes de poêles et de chaudières à granulés ont quant à elles connu un TCAM de plus de 50% entre 2020 et 2022. La demande en combustible (principalement en granulés) a suivi une trajectoire similaire, stimulée d’autant par les craintes des ménages face à l’explosion des prix de l’énergie « traditionnelle ».
Sur un marché où l’offre augmente, mais ne peut structurellement pas progresser aussi vite que la demande (on estime qu’un peu plus de 1,5 millions de tonnes de granulés de bois ont été produites en France en 2022, pour une consommation d’environ 2,0 millions, le reste étant importé), ce déséquilibre a poussé les prix du marché à des niveaux jamais observés au cours des dernières années (source CEEB).
D’un prix producteur moyen aux alentours de 210€ la tonne en 2021 (300€ pour le prix distributeur), le marché est passé à plus de 400€ la tonne en production (et 600€ pour la distribution) au dernier trimestre 2022.
L’élément intéressant à noter est le fait que le prix moyen de la matière première utilisée dans le processus de transformation (écorces et sciures de résineux, plaquettes de scierie, etc.) a augmenté de manière beaucoup plus raisonnable, y compris sur 2022, où les données de marché montrent une augmentation n’allant jamais au-delà de +35%.
Sur un marché en forte demande, cet écart d’augmentation des prix entre l’amont et l’aval a naturellement été bénéfique aux résultats et aux marges des acteurs au milieu de la chaine de valeur (et par conséquent, à leur valeur boursière pour ceux qui sont cotés), parfois au détriment du client final, le consommateur. Bien évidemment, il semble utile de préciser que les augmentations tarifaires n’ont pas été effectués avec la même intensité chez tous les acteurs de la filière.
Cogra, par exemple, s’est contenté de passer des hausses de prix de l’ordre de +20% au maximum, protégeant ainsi son statut de producteur le moins cher du marché. La société, dans une optique de stabilisation de cette chaîne de valeur, a d’ailleurs ouvert un quota de vente directe aux particuliers. La mise en place de ces éléments n’a pas empêché la société de publier des résultats semestriels records il y a quelques semaines (voir notre dernier flash ici).
Bis repetita sur 2023 ?
Même si le contexte géopolitique reste très tendu depuis le début de l’année et qu’un certain déséquilibre subsiste entre l’offre et la demande en bois énergie, les sociétés précédemment citées ont toutes marqué le pas en bourse depuis Janvier, retraçant une partie de leurs gains.
Le titre de Cogra recule de près de -5%, Eo2 de -10% et Moulinvest de -15%. Seul Poujoulat (+5%) affiche une performance positive sur les deux premiers mois de 2023. Si les prises de bénéfices de la part des investisseurs peuvent être un des facteurs explicatifs, il semblerait qu’après un emballement de l’ensemble de la filière, les tarifs de marché commencent à se stabiliser sur les niveaux actuels. Les multiples de valorisation, qui ont atteint un point haut en 2022, commencent eux aussi à se décompresser pour retrouver des niveaux plus en phase avec les fondamentaux des groupes.
A plus long terme, les perspectives d’un secteur longtemps délaissé par le marché restent très enthousiasmantes: le bois (et ses acteurs) devrait être l’un des grands gagnants de la transition écologique.