Dans une publication du 17 septembre 2025, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) appelle à la mise en place d’une véritable supervision financière européenne.
Ce document propose un modèle inspiré de son expérience sur la supervision bancaire pour renforcer la stabilité financière, la protection des investisseurs et finalement simplifier le cadre réglementaire.
L’AMF met en lumière les faiblesses d’une supervision des marchés financiers encore trop fragmentée au sein de l’Union européenne.
Malgré les efforts de l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) et des autorités nationales de contrôle, cette dispersion entraîne des conséquences néfastes sur le secteur financier et le marché intérieur :
L’AMF considère que sans progrès sur une supervision unifiée, la simplification du cadre réglementaire européen restera complexe voire impossible.
Les règles actuelles, trop détaillées et prescriptives, sont une réponse forcée aux arbitrages réglementaires et au manque de convergence.
Pour remédier à ces dysfonctionnements, l’AMF préconise de donner le pouvoir au niveau européen de supervision, sur les entités financières.
Inspiré du mécanisme de supervision unique du système bancaire, l’AMF propose une supervision directe par l’ESMA pour les grandes entités transfrontalières, et une supervision déléguée pour les plus petites ou nationales.
La supervision directe s’étendrait aussi aux grandes infrastructures de marché paneuropéennes et aux grands groupes de gestion d’actifs, dont les spécificités de groupe devraient être reconnues en droit européen via une approche consolidée.
Pour des raisons de subsidiarité, d’efficacité et de proximité avec les marchés locaux, la supervision des entités plus petites ou purement nationales serait déléguée aux autorités nationales, selon le modèle d’« indirect supervision » appliqué aux banques « less significant » dans le SSM.
Une évaluation approfondie reste nécessaire, la régulation des produits étant hétérogène et liée à des compétences nationales (fiscalité, incitations locales).
A noter, qu’en cas d’approche séquencée d’une supervision européenne, l’AMF propose de donner la priorité aux fournisseurs de services crypto-actifs globaux et transfrontaliers. Dans ce domaine émergent, centraliser l’expertise à l’ESMA éviterait les arbitrages réglementaires et les risques élevés pour les investisseurs, tout en optimisant les coûts.
Ce virage audacieux implique une évolution profonde de la culture et de la gouvernance de l’ESMA.
Actuellement composée uniquement d’autorités nationales, elle peine à prendre des décisions rapides et à incarner un intérêt européen véritable.
L’AMF propose un modèle hybride pour inclure les autorités nationales tout en favorisant l’efficacité :
Enfin, l’AMF appelle à une approche collaborative : consultations des États membres et groupes de travail pour définir les critères de supervision directe vs déléguée, deadline pour maintenir le momentum, etc.
Ce plaidoyer de l’AMF s’inscrit dans la montée en puissance de Paris comme hub financier européen post-Brexit.
En renforçant l’ESMA, l’Europe pourrait mieux rivaliser avec Londres ou New-York, tout en simplifiant les règles pour les PME et ETI cotées sur Euronext Growth.
Paris, avec ses incitations fiscales et son leadership en finance verte, bénéficierait d’une supervision unifiée pour attirer plus d’investisseurs internationaux et réduire les coûts opérationnels.
Il faudra néanmoins veiller à ce que cette centralisation ne dilue pas la proximité des autorités nationales, essentielle pour protéger les investisseurs retail et conserver le lien avec les opérateurs de place. Une supervision européenne unifiée et cohérente, adjointe à une réglementation simplifiée favoriseraient les introductions en bourse et les levées de fonds pour les PME sur nos marchés de capitaux.